
- 01/04/2025
- By: OutWild
- in: Alpinisme
Outwild : Peux-tu te présenter et nous raconter comment tu as découvert l’alpinisme ? Qu’est-ce qui t’a donné envie de te lancer dans des ascensions de haute montagne ? As-tu des modèles ou des figures inspirantes dans le milieu de l’alpinisme ?
Léa : Je m’appelle Léa Janondy, je suis rédactrice web et community manager, passionnée de voyages, de défis physiques et d’aventure au sens large. J’ai découvert l’alpinisme un peu à contre-pied : pas à travers une vocation sportive classique, mais par goût du dépassement et de la solitude des grands espaces.
Outwild : Quelle a été ta première grande ascension, et que retiens-tu de cette expérience ?
Léa : Ma première vraie ascension fut celle des Annapurnas, au Népal. Ce n’était pas une course technique, mais c’était une épreuve physique intense, dans le froid, le vent et la confrontation aux éléments. Ce que j’en retiens ? Que la montagne ne ment jamais. Tu y fais face à toi-même, à tes doutes, à ta force intérieure. C’est un miroir. Ce jour-là, j’ai compris que je voulais aller plus haut, plus loin et que ce serait mon chemin.
Outwild : Pourquoi as-tu choisi le Manaslu parmi les sommets de l’Himalaya ?
Léa : Le Manaslu, c’est un 8000 discret, exigeant, moins médiatisé que l’Everest et moins onéreux (on va pas se mentir !). Il m’attire par son authenticité, sa beauté brute et son nom : « la montagne de l’esprit ». Il y a dans ce sommet une dimension intérieure qui me parle.
Outwild : Qu’est-ce qui te motive le plus dans ce projet ?
Léa : D’une part, la performance brute. D’autre part, le message : prouver que les femmes ont leur place à 8000 mètres et partager cette aventure pour inspirer d’autres femmes à dépasser leurs limites, faire taire les petites voix défaitistes dans leur tête, quelles qu’elles soient.
Outwild : Comment t’es-tu préparée mentalement et physiquement pour une expédition de cette envergure ?
Léa : Je m’entraîne cinq à six fois par semaine en musculation, en endurance, en renforcement et en mobilité. J’ai intégré à ma routine du cardio, du port de charge, des sorties longues mais aussi du yoga pour garder une agilité physique.
Mentalement, je travaille la visualisation, l’acceptation de l’effort et la capacité à rester lucide dans la fatigue.
Outwild : Quels sont, selon toi, les plus grands défis de gravir un sommet de plus de 8000 mètres ?
Léa : Ce n’est pas juste une question de force ou de technique. C’est la gestion de l’altitude, du froid, de l’isolement, de la peur et du doute. C’est tenir dans la lenteur, dans l’inconfort prolongé, dans les décisions critiques. C’est aussi accepter que ton corps ne répondra pas toujours comme prévu. Et que malgré tous tes efforts… la montagne a le dernier mot.
Outwild : Quelles sont les étapes clés pour préparer une expédition au Manaslu ?
Léa : C’est un mix entre logistique millimétrée, préparation physique longue, partenariats solides pour l’équipement et l’assurance, entraînement mental et organisation du financement. Tu dois aussi composer avec l’acclimatation, les permis népalais, le choix de l’agence locale, la météo et les fenêtres d’attaque.
Outwild : Quels équipements ou technologies trouves-tu essentiels pour ce type d’expédition ?
Léa : Une combinaison haute altitude fiable, des gants ultra-chauds (mon point faible, ce sont les mains !), des chaussures 8000m, un sac de couchage -40°C, une bonne gestion de l’hydratation et de la nutrition. Bien-sûr, tout ce qui permet de rester lucide, au chaud et réactif.
Outwild : Qu’est-ce que cette ascension représente pour toi, au-delà de l’exploit sportif ?
Léa : C’est une affirmation. Une manière de dire « j’ai ma place ici ». Dans les montagnes, dans l’effort, dans le dépassement. Et aussi une invitation : si moi j’y arrive… alors d’autres femmes, d’autres profils atypiques, peuvent le faire aussi.
Outwild : Comment gères-tu les doutes ou les peurs liés à un tel défi ?
Léa : Je ne cherche pas à les faire taire. Je les écoute. Je les comprends et je me prépare mieux. La peur est un bon signal. Je transforme ces émotions en rigueur, en entraînement, en stratégie. Quant à la peur de l’échec, j’essaie de ne pas y penser et de désensibiliser le sujet du demi-tour.
Outwild : Quel impact espères-tu que ce projet aura sur ta vie personnelle ou professionnelle ?
Léa : J’espère qu’il m’aidera à tracer une voie plus engagée, plus libre. Professionnellement, ce projet me donne une légitimité pour parler d’engagement, de performance, de résilience. Personnellement, il me reconnecte à ce qui compte : l’alignement entre ce que je fais, ce que je suis et ce que je transmets.
Outwild : Si tu réussis à gravir le Manaslu, quel serait ton prochain défi ?
Léa : Je rêve de l’Arctique ou de retourner en Antarctique pour une traversée à pieds. Ce n’est pas forcément la hauteur qui m’attire : c’est la rareté, l’engagement et l’immersion.
Outwild : Quels conseils donnerais-tu à d’autres femmes qui souhaitent se lancer dans l’alpinisme ou viser de grands sommets ?
Léa : De ne pas attendre d’être « prête ». De commencer. De se faire confiance. De s’entourer. Surtout : de ne pas croire ceux qui leur disent que ce n’est pas pour elles. Ce sont les croyances qu’il faut gravir avant les sommets !
Outwild : As-tu un message ou une philosophie que tu aimerais partager à travers cette expédition ?
Léa : Oui, le sommet n’est pas au-dessus de toi, il est en toi. Ce projet, ce n’est pas juste une marche vers le haut, c’est une marche vers soi. Une réappropriation de la liberté, du courage, du mouvement.
Outwild : Comment comptes-tu partager ton expérience du Manaslu avec le public ?
Léa : À travers des récits écrits, des vidéos documentaires, des prises de parole et potentiellement un livre ou un podcast. Je veux montrer les coulisses, les doutes, les lenteurs. Pas seulement la réussite.
Outwild : As-tu une cause particulière que tu souhaites mettre en avant à travers cette aventure ?
Léa : Oui, la visibilité des femmes dans l’alpinisme, l’idée que l’effort extrême est aussi une forme d’expression, et que les femmes ont le droit d’exister dans l’engagement, le froid, la verticalité.
Je veux aussi rappeler que la liberté physique est un acte politique, encore aujourd’hui.
Outwild : Y a-t-il une anecdote ou un moment marquant de ta préparation que tu aimerais raconter ?
Léa : Oui, une fois en altitude, un guide m’a dit : « C’est quand même étrange, une femme ici, c’est plutôt un truc de mecs non ? » C’était à la fois vexant et intéressant. Il s’agissait de le sensibiliser à une culture plus ouverte car il venait d’un pays encore près masculiniste. Je ne suis pas sûre qu’il ait changé d’avis. Mais j’espère avoir planté une graine. De mon coté, j’ai su à ce moment là que j’allais réussir : pour lui prouver qu’il avait tord. En effet, j’ai atteint le Peak Lenin : j’ai été la première femme de la saison là-haut et j’ai laissé derrière moi une quinzaine de bonhommes qui étaient partis dans le même groupe que moi !
Outwild : Si tu devais décrire ce projet en un mot, quel serait-il et pourquoi ?
Léa : Ascension.
Parce que c’est plus qu’un sommet. C’est un mouvement, une transformation. Ce projet est une montée vers le haut, vers l’intérieur, vers l’autre.