L’histoire de l’alpinisme regorge de récits héroïques, mais peu de conquêtes peuvent rivaliser avec celle de l’Everest. Le 29 mai 1953, Edmund Hillary, un apiculteur néo-zélandais, et Tenzing Norgay, un sherpa népalais, ont accompli un exploit qui allait changer à jamais l’histoire de l’alpinisme : ils sont devenus les premiers hommes à atteindre le sommet du mont Everest, le plus haut sommet du monde, culminant à 8 848 mètres.
L’histoire de cette ascension est l’une de courage, de détermination et d’une collaboration unique entre deux hommes issus de milieux radicalement différents. Edmund Hillary était un Européen, venu de l’autre bout du monde, tandis que Tenzing Norgay incarnait l’héritage local de ceux qui vivaient dans les contreforts de l’Himalaya. Ensemble, ils allaient affronter l’une des plus grandes énigmes de l’époque : l’inconnu du toit du monde, où tant d’autres avaient échoué avant eux.
Une préparation minutieuse
L’idée de gravir l’Everest remonte bien avant 1953. Depuis le début du XXe siècle, de nombreuses expéditions ont tenté de conquérir le sommet. La première expédition britannique, dirigée par George Mallory et Andrew Irvine en 1924, a captivé l’imagination du monde, mais leur mystérieuse disparition près du sommet n’a fait qu’alimenter l’aura de mystère et de danger entourant l’Everest. Mallory, lorsqu’on lui a demandé pourquoi il souhaitait escalader l’Everest, avait simplement répondu : « Parce qu’il est là ». Mais cette montagne, bien que présente depuis des millénaires, restait invaincue.
En 1953, une équipe britannique, dirigée par le colonel John Hunt, se préparait méticuleusement pour une nouvelle tentative. Cette expédition allait se reposer sur l’expertise des sherpas locaux pour l’assistance et le soutien. Les sherpas, ayant vécu à haute altitude toute leur vie, avaient développé une endurance physique incroyable, ce qui les rendait essentiels aux expéditions. Tenzing Norgay, déjà un vétéran de plusieurs tentatives de l’Everest, était considéré comme l’un des meilleurs grimpeurs sherpas. Hillary, quant à lui, s’était taillé une solide réputation dans l’alpinisme avec des ascensions dans les Alpes et en Nouvelle-Zélande.
L’expédition de 1953 était mieux équipée et préparée que les précédentes, avec des innovations technologiques comme des bouteilles d’oxygène plus légères, un équipement amélioré pour le froid extrême, et un système logistique optimisé. Chaque membre de l’équipe avait son rôle précis, et l’objectif ultime était clair : atteindre le sommet avant la fin du mois de mai, avant que la mousson n’arrive et ne rende l’ascension impossible.
La montée vers l’inconnu
Le parcours vers le sommet de l’Everest est semé d’embûches, et bien que la montagne soit aujourd’hui connue et balisée, à l’époque, chaque expédition devait affronter de nombreux obstacles imprévisibles. Après avoir établi plusieurs camps d’altitude, l’équipe de John Hunt devait décider qui parmi les grimpeurs tenterait l’assaut final. Initialement, deux équipes furent formées : une première composée de Tom Bourdillon et Charles Evans, et une deuxième avec Hillary et Tenzing.
Le 26 mai 1953, Bourdillon et Evans atteignirent une altitude impressionnante, mais durent renoncer à quelques centaines de mètres du sommet, épuisés et à court d’oxygène. Il revenait désormais à Hillary et Norgay de tenter l’ascension ultime.
Les deux hommes partirent du camp IX le matin du 28 mai. La nuit fut courte, marquée par des températures glaciales et un vent impitoyable, mais à l’aube du 29 mai, ils se mirent en marche. Chaque pas était un effort colossal à cette altitude, où l’air est si rare qu’il devient difficile de respirer même au repos. L’utilisation d’oxygène artificiel les aidait à compenser ce manque, mais l’effort restait monumental.
À environ 8 500 mètres, ils rencontrèrent un obstacle redouté : une paroi de glace de 12 mètres, désormais connue sous le nom de « Step Hillary ». C’est là que Hillary montra toute son habileté d’alpiniste, en taillant des marches dans la glace pour permettre à lui et Tenzing de grimper. Cet effort colossal les mena à quelques centaines de mètres du sommet.
Au sommet du monde
À 11h30, le 29 mai 1953, Edmund Hillary et Tenzing Norgay atteignirent enfin le sommet de l’Everest. Ce moment était un triomphe personnel pour chacun d’eux, mais aussi un triomphe pour l’humanité. Après des décennies de tentatives infructueuses et de nombreuses vies perdues, le sommet le plus haut du monde était enfin atteint.
Hillary planta un drapeau néo-zélandais, tandis que Tenzing déposa des offrandes symboliques à la montagne, selon les rites bouddhistes. Le sommet, bien que froid et inhospitalier, devint un lieu de célébration silencieuse. Ils restèrent environ 15 minutes, observant les paysages infinis autour d’eux avant de redescendre prudemment.
L’exploit de Hillary et Tenzing devint rapidement une nouvelle mondiale. La confirmation de leur succès arriva à Londres le matin du couronnement de la reine Élisabeth II, et l’événement fut accueilli avec une joie particulière dans tout l’Empire britannique. Le nom de ces deux hommes allait désormais être inscrit dans les annales de l’histoire.
L’héritage de l’ascension de 1953
Le succès d’Hillary et de Tenzing n’était pas seulement une victoire pour eux, mais pour toute l’équipe qui avait participé à l’expédition. John Hunt, le chef de l’expédition, fut également largement félicité pour sa direction exemplaire. Cependant, les projecteurs étaient surtout tournés vers les deux hommes qui avaient atteint le sommet. Edmund Hillary reçut le titre de « Sir » par la reine Élisabeth II pour ses efforts, tandis que Tenzing Norgay devint une figure de fierté nationale au Népal et dans le monde entier.
Ce succès marqua également le début d’une nouvelle ère pour l’alpinisme. L’Everest, autrefois considéré comme invincible, devint un objectif réalisable pour les alpinistes du monde entier. En quelques décennies, des centaines de personnes se lancèrent à l’assaut de ce sommet légendaire. Aujourd’hui, plus de 6 000 personnes ont gravi l’Everest, mais peu ont laissé une empreinte aussi indélébile que celle de Hillary et Norgay.
Une relation unique
L’une des particularités de l’ascension de 1953 est la relation unique qui s’est forgée entre Edmund Hillary et Tenzing Norgay. Leur partenariat n’était pas seulement une alliance de circonstance, mais une véritable amitié qui s’est développée au fil du temps. Tous deux avaient un profond respect l’un pour l’autre, et bien que leurs cultures soient différentes, ils partageaient un objectif commun : celui de conquérir l’Everest.
Il est intéressant de noter que, pendant des années, une certaine controverse subsista quant à savoir lequel des deux hommes avait véritablement posé le premier pied au sommet. Cependant, dans leurs récits respectifs, tant Hillary que Tenzing insistèrent sur le fait que cet accomplissement était une victoire commune. Ce n’était pas l’exploit d’un seul homme, mais le fruit de leur collaboration et de leur solidarité.
Après leur ascension, Hillary et Tenzing continuèrent à entretenir leur amitié et restèrent impliqués dans des causes humanitaires, notamment au Népal. Hillary créa la « Himalayan Trust » pour aider les populations locales, construisant des écoles, des hôpitaux et améliorant les infrastructures dans la région. Tenzing, quant à lui, devint une figure emblématique pour les sherpas, et il utilisa sa notoriété pour promouvoir le développement de sa communauté.
Un défi toujours aussi pertinent aujourd’hui
Même si l’Everest a été gravi des milliers de fois depuis 1953, il reste un défi monumental. La montagne continue de fasciner et d’attirer des alpinistes du monde entier, malgré les dangers qu’elle représente. Chaque année, des grimpeurs tentent de repousser leurs limites pour atteindre ce sommet mythique, mais l’Everest n’est pas sans risque. Le froid extrême, les avalanches, les tempêtes soudaines et la difficulté de respirer à haute altitude font de chaque ascension un exploit périlleux.
De plus, l’afflux massif de grimpeurs au cours des dernières décennies a également soulevé des préoccupations environnementales. La région autour de l’Everest souffre de la pollution laissée par les expéditions, et la question du tourisme de masse dans cette région reculée pose de nombreux défis logistiques et écologiques. Cependant, l’Everest reste un symbole puissant de la détermination humaine et du désir d’explorer l’inconnu.
La leçon de Hillary et Norgay
L’ascension d’Edmund Hillary et Tenzing Norgay représente bien plus qu’un simple exploit sportif. Elle symbolise la capacité humaine à surmonter des obstacles apparemment insurmontables grâce à la persévérance, la collaboration et le respect mutuel. Ces deux hommes, venant d’horizons différents, ont su unir leurs forces pour réaliser quelque chose d’extraordinaire.
Leur aventure reste une source d’inspiration, non seulement pour les alpinistes, mais pour quiconque fait face à des défis dans sa propre vie. L’histoire de leur ascension montre que, avec la bonne préparation, une volonté inébranlable et un partenaire de confiance à ses côtés, il est possible d’atteindre les sommets les plus hauts, tant au sens littéral qu’au sens figuré.
En fin de compte, l’héritage de Hillary et Norgay est bien plus qu’une réussite individuelle : c’est un hommage à l’esprit humain, qui cherche toujours à aller plus loin, à grimper plus haut, et à défier l’impossible. Leur conquête de l’Everest reste à jamais gravée dans l’histoire, et leur exploit continue de résonner dans le cœur de ceux qui rêvent de toucher le ciel.